La corruption dans nos hôpitaux dégrade les soins

Pour Malick Traore et Seydou Simbo Diakite, je rentrerais dans les détails. Pour les autres, contentez-vous du titre et de la photo, si vous trouvez long.
Un soir, un médecin m’appelle parce qu’on lui interdit l’entrée de son véhicule dans l’hôpital au pretexte qu’on avait interdit le même véhicule à une dame. En fait, c’était sa soeur qui était allée pour une commission, lui, étant resté à côté de la maman hospitalisée. Malgré qu’il ait montré sa carte grise et sa carte professionnelle, les portiers ont réfusé.
J’ai interpellé un responsable de la direction sur le cas lui disant que j’aurais compris leur attitude s’ils étaient si intransigeants avec tout le monde au lieu de prendre l’argent et faire entrer certains gens.
Il s’est étonné qu’on prenne de l’argent à la porte. J’étais étonné qu’il le soit aussi parce que tout le monde savait ça, surtout lui qui passe beaucoup de temps à l’hôpital.
Je lui dis qu’il sait au moins que l’ambulance aussi sort à coût de 5000f selon la distance, et payés au chauffeur. Là aussi, j’étais étonné qu’il soit étonné. Il me dit que des choses de ce genre doivent être remontées. Mais j’ai compris plus tard en parlant avec nos jeunes qu’il ne devrait pas s’étonner aussi.
Je lui propose de desormais transmettre mais qu’il ne faudrait pas que ça finisse comme les précédentes, sans sanction. J’ajoute que je vais lui donner un dossier des agents de basse échelle, s’il résoud le cas, je lui amène pour un agent de moyenne échelle et puis du sommet.
Accord scellé et je me mets au travail.
Environ 2 semaines plus tard, j’attrape quelqu’un: prélèvement fait au CHU du Point G mais analyse faite au Luxembourg, sans reçu. Payé directement à l’agent du Point G.
Je fais les copies et je remets au responsable. Il promet de s’en occuper. Deux jours plus tard, l’agent vient me voir et tente de me convaincre que les agents de prélèvement ont dit que l’heure est passée et lui n’a pas voulu les faire trainer. Je lui dis d’arrêter parce que ce n’est pas la 1ère ni la nième fois. Je lui cite tous les labo privés qu’il utilise mais je suis juste étonné que ce soit Le Luxembourg maintenant. Il s’est calmé et a présenté des excuses. Je lui réponds que ce n’est pas moi qui déciderai.
J’ai demandé une 1ère fois, il me dit au niveau du chef de personnel, qu’une sanction serait en préparation. Je n’ai rien vu dans le courier après plus de 3 mois. Je redemande, aucune réponse claire.
Je décide donc d’amener le dossier au Luxembourg. Il a été transmis au DG avec 2 autres dossiers de mes patients à qui on a pris l’argent directement sans reçu (tous au dessus de 30.000f). Il a baissé la tête et a fait appeler son administrateur. Voilà la structure qu’on pensait à l’abri. Quand je l’avais traitée de marché de Baco Djicoroni, certains de ses agents étaient remontés. J’avais déjà d’autres preuves de prise d’argent de consultation par des médecins (photo à l’appui mais éffacées depuis).
La semaine passée, presque tous nos patients hospitalisés ont été arnaqués par la même personne. Des prélèvements faits au Point G mais des résultats d’une clinique qu’on a essayé de joindre en vain à travers les 2 numéros Telecel sur leur entête.
Pourquoi ne referait-il pas s’il n’est pas sanctionné?
Quoi de surprenant de voir nos hôpitaux dans l’agonie. A peine réparé, le scanner a connu des fraudes.
Ce qui m’inquiète surtout, c’est la fiabilité des résultats. Est-ce que les analyses sont même faites?
Un jour, un autre dans le même labo a fait prélever un de mes malades et a pris l’argent. Le lendemain, il lui a rendu les résultats dans lesquels une analyse que je sais n’était pas faisable au Point G. Je dis au patient de retourner lui demander de ma part comment a-t-il fait cette analyse parce qu’elle n’est pas faisable au Point G? Il lui a remis son argent et lui a dit de revenir pour le prélèvement le lendemain.
Un autre jour, ils ont fait la goutte épaisse (GE) d’une de mes patientes en 15 min et ont donné le nombre de trophozoites. La maman m’a confirmé qu’ils ont pris directement 1000f avec elle. Je viens les voir et je demande s’ils (dans ce cas «elles») avaient fait cette GE ici, une d’elles confirme. Je leur dis qu’elles font maintenant une GE en 15 min alors que c’est techniquement au moins environ 45 min-1h? Je leur dis qu’au-délà de prendre l’argent elles me donnent de faux résultats et elles devraient mesurer les conséquences.
J’ai fait dire au personnel par une connaissance dans le labo d’épargner mes patients sinon je dénoncerai mais ça continue.
Dans les années 2000, quand j’étais interne, j’ai démantélé un réseau de vente de sang qui a abouti avec l’insistence de Feu Pr Anatole, juste au déplacement du personnel. Cette vente continue ailleurs et je suis sur le dossier.
Maintenant, Remy Dione dit que chacun fasse sa part. Et pourtant, depuis 1999 je fais cette lutte mais tant que ce n’est pas sanctionné, ça ne changera pas. Et cette sanction ne peut venir de moi, elle voent des décideurs. C’est ce que le très inspiré et le prédicateur Boïssé Traoré se fatigue de te dire.
On critique nos hôpitaux pour les soins et le cadre qu’ils offrent mais nous devons réfléchir sur ce qu’est notre contribution dans l’amélioration de ces soins et notre impact négatif, dirigeants, agents et patients compris.
Ne faisons pas et ne laissons pas passer la corruption. Mais le plus important c’est de sensibiliser et de sanctionner les récidivistes.
Guida Landouré
Praticien Hospitalier, CHU Point G

Info-Matin

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