Guinée: couplage du référendum constitutionnel avec les législatives du 1er mars

En Guinée, après avoir annoncé le report des législatives au 1er mars, la présidence a annoncé, mardi 4 février au soir, que le scrutin serait couplé à un référendum constitutionnel.

C’était le premier élément du journal de la télévision nationale, ce décret appelant au couplage des scrutins législatif et référendaire le 1er mars 2020, rapporte notre correspondant à Conakry, Mouctar Bah.

La Commission électorale nationale indépendante doit maintenant prendre toutes les dispositions matérielles et réglementaires pour l’organisation cumulée des élections législatives et de la consultation référendaire sur le texte d’une nouvelle Constitution pour le pays.

Un nouveau texte fondamental qui provoque une forte défiance. Depuis la mi-octobre, le FNDC, le Front national pour la défense de la Constitution, une coalition de la société civile et des partis politiques de l’opposition, organise des manifestations contre cette profonde modification de la Constitution guinéenne de 2010. Une modification qui, selon les opposants d’Alpha Condé, vise à permettre à ce dernier de se maintenir au pouvoir au terme de ses deux mandats constitutionnels, fin 2020.

« Une astuce pour faire passer le référendum », selon le FNDC

Car pour le FNDC, la décision de coupler le référendum montre jusqu’où le président est prêt à aller pour rester au pouvoir. Le couplage ne serait, selon Abduramane Sanoh, coordonnateur de la coalition, que le dernier volet de ce qu’il appelle, encore et toujours, un « coup d’État constitutionnel ».

« C’est une astuce pour amener davantage de personnes aux urnes, estime Abduramane Sanoh. Les législatives sont présentées comme une opportunité, un tremplin pour faire passer le référendum. Dès lors que les gens accepteront d’aller voter pour les législatives, on va considérer que les mêmes personnes auront voté pour le référendum. »

« Ce qui va être simple pour le pouvoir, c’est de donner un résultat au finish qui devrait dire que la majorité a voté pour la nouvelle Constitution. L’enjeu, pour lui, ce n’est pas les législatives mais en entraînant les gens aux législatives et en faisant le couplage, c’est de faire voter pour une nouvelle Constitution. Ce qui lui permettrait de mettre tout à plat et de se présenter à la prochaine élection présidentielle. »

Le pouvoir avance des raisons pratiques

Mais le pouvoir ne l’entend pas de la même oreille. Pour Papa Koly Kourouma, le directeur de campagne de la mouvance présidentielle, des raisons pratiques justifient ce couplage. « Sur le plan économique, ça va coûter moins cher et ça va faciliter la mobilisation des militants. On n’a pas deux campagnes à faire. On mobilise les militants pour deux scrutins en même temps. »

Papa Koly Kourouma assure que « ce n’est pas une manœuvre politicienne » et que, malgré leur couplage, il s’agit de deux scrutins indépendants l’un de l’autre. « Les gens sont libres de leur choix. C’est pourquoi, d’ailleurs, on dit « coupler ». Ce n’est pas les mêmes élections, ce sont des urnes différentes. Donc, on a le choix d’aller ou de ne pas aller. »

Reste à savoir combien de Guinéens iront aux urnes le 1er mars, et combien de doigts ils plongeront dans le pot d’encre.

Le projet de nouvelle Constitution, présenté en décembre dernier, fait passer le mandat de cinq à six ans. Il maintient à deux le nombre limite de mandats pour un président. Mais le texte est ambigu, estime le politologue, Kabinet Fofana. « Dans la Constitution de 2010, il est clairement dit que « nul ne peut faire plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non ». Lorsque vous êtes avez été élu et réélu, vous n’avez plus la possibilité de revenir exercer la charge présidentielle alors que le projet de nouvelle Constitution n’est pas ferme là-dessus et n’est pas assez impératif sur la question. Ce qui laisse croire à bon nombre de personnes, notamment à l’opposition que cela laisse entrevoir la possibilité pour un ancien président de revenir après se présenter sous la bannière d’un parti politique.

« Le fait d’attendre à la veille de son deuxième et dernier mandat, de se lancer dans un tel projet fait croire à bon nombre de gens que cela n’a d’autre dessein que de permettre à Alpha Condé de se présenter à nouveau, poursuit-il. Et il n’y a pas mal de partisans du président de la République qui disent qu’une nouvelle Constitution est égale à un troisième mandat ».

RFI

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *