Banalisation des examens: que prévoient les organisateurs du Bac ?

Le DEF pour l’année scolaire 2019-2020 a vécu. Les épreuves se sont déroulées du 12 au 14 octobre 2020. Elles ont été marquées par la fraude à grande échelle, la fuite des sujets et corrigés qui se retrouvaient à toutes les rues et ruelles de la capitale, à travers les réseaux sociaux… C’est dans ce climat de suspicion généralisée que le BAC est attendu dans moins d’une semaine. Dans la perspective du Mali Kura souhaité par tous, les sujets et leurs corrigés seront-ils à nouveau une marchandise servie à tour de bras ? En tout cas, nous pensons que le Pr Doulaye KONATE, dont la compétence et réputation ne souffrent d’aucun doute, ne ratera certainement pas l’occasion de prouver aux Maliens qu’il mérite cette confiance placée en lui par les autorités de la Transition.

Le Mali est à la croisée des chemins avec par une crise sanitaire et sécuritaire exacerbée par l’absence totale de perspective pour une jeunesse très mal formée pour faire face aux défis d’un monde moderne qui évolue presqu’à la vitesse d’un éclair. Les spécialistes sont unanimes qu’il faut une profonde mutation au niveau de notre école si l’on veut rapidement voir le bout du tunnel.

L’éducation, un investissement
« Donnez à un homme un poisson, et il aura à manger pour une journée ; apprenez à un homme à pêcher, et il aura à manger toute sa vie. » Cette maxime est attribuée à Lao Tseu, un sage de la Chine ancienne.

Dès l’Antiquité, Platon connaissait l’importance du savoir et de l’apprentissage. Il affirmait qu’un homme qui néglige l’éducation « traverse la vie d’un pas chancelant ». Mais au Mali des temps modernes, l’on semble encore ignorer cette réalité. Si les parents apprécient la réussite de leurs enfants, peu d’entre eux s’investissent pour que leurs enfants apprennent à pêcher d’eux-mêmes. Ce qui explique la prime actuelle à la promotion de la médiocrité, à travers des pratiques malhonnêtes et dégradantes, dont la fraude à grande échelle lors des examens.
Si les spécialistes conviennent que l’éducation est un investissement qui favorise la croissance, les réalités actuelles prouvent qu’il faut aller au-delà. Car, le marché du travail qui est la finalité exige des compétences nouvelles.
Cette évolution tient en partie, selon les mêmes spécialistes, à la course que se livrent technologie et éducation et qui résulte de l’adaptation des marchés à l’automatisation de la production. Dans ce monde nouveau, la compétitivité des travailleurs pâtit du manque d’efficacité des systèmes éducatifs dans la plupart des pays en développement, dont le nôtre. Le changement technologique et la concurrence au niveau mondial imposent aux apprenants de maîtriser certaines compétences et d’en acquérir de nouvelles.

La clé du changement
Pour être performant sur le marché du travail actuel, il faut investir tôt et dans les bonnes compétences. Surtout, les pays doivent investir de manière judicieuse, en s’attachant à promouvoir trois éléments essentiels : l’autonomie, la responsabilisation et l’évaluation. C’est d’ailleurs ce qui a fait dire au nouveau ministre de l’Éducation nationale, le Pr Doulaye KONATE, ce 12 octobre dernier, lors du lancement des épreuves du DEF : ‘’si le Mali nouveau ne se fait pas à l’école, il ne se fera pas’’.
Face aux candidats, aux responsables techniques et aux surveillants, le ministre a soutenu : « (donc) je vous encourage, je vous dis aussi mon soutien. La responsabilité des surveillants est très lourde. Vous savez combien nous sommes décriés à tort ou à raison. Vous avez entre vos mains les clés du changement. Tout le monde appelle à un Mali nouveau. J’espère que ce n’est pas simplement des mots. Le Mali nouveau commence à l’école, il n’y a pas de doute. Je suis persuadé que si le Mali nouveau ne se fait pas à l’école, il ne se fera pas. Je voudrais encore en fois vous encourager, puis vous demander surtout d’appliquer le règlement dans toute sa rigueur. Vous êtes couverts par des textes. Appliquez les textes surtout pour ce qui concerne les fraudes. Je suis très formel là-dessus. C’est tolérance zéro à la fraude. Vous appliquez les textes et je vous garantis que je suis derrière vous. Les textes doivent être appliqués avec rigueur. J’insiste là-dessus. C’est tolérance zéro pour la fraude… » Le message a-t-il été entendu ? Pas si sûr !

Examen de la honte
Selon plusieurs recoupements, les sujets traités du DEF n’ont pas tardé à défiler épreuve après épreuve sur les réseaux sociaux, notamment les groupes WhatsApp, comme le témoigne ce parent d’élève sur son compte Facebook : « ce 13 H, j’arrive à la maison. Je trouve ma fille de 14 ans qui se prépare pour aller affronter l’épreuve de Dictée et Questions.
Elle fait l’Ecole Privée Gavardo des catholiques italiens et s’est classée 3ème et 2 fois 2ème aux compositions des 3 trimestres avec un Général de 13 de moyenne.
Elle me dit d’un coup qu’elle ne comprend pas, leur sujet de Dictée et Questions est dans le téléphone des gens, elle n’en possède pas et elle prend l’exemple du téléphone de sa maman à qui on a envoyé dans un groupe WhatsApp.
Je balaye d’un revers de main ce que je crois comme allégation, puisque je n’ai jamais eu la preuve matérielle de fuites de sujets (peut-être à cause de ma profession, je ne sais pas).
Je lui demande, mieux vaut aller en avance à l’école, car c’est la Dictée.
À 17 h, de nouveau, rentré à la maison, sa première réaction c’est de me prouver qu’elle n’a pas menti et de me confirmer ses propos d’il y a 4 heures.
Je prends la chose au sérieux et lui demande de m’apporter le téléphone de sa maman.
Je suis stupéfait. L’épreuve, telle que ça sort de l’enveloppe y est depuis 12 H.
Je dis, ce pays est dans un précipice et je revois le film de tous ces élèves qui travaillent studieusement, nuit et jour, avec des parents honnêtes et intéressés, qui se battent pour une bonne éducation de leurs enfants dans l’avenir, mais coiffés par des cancres qui passent par des méthodes de filous pour gagner des parchemins douteux, grâce à l’irresponsabilité de leurs parents, aidés en cela par certaines autorités scolaires qui ont mis au placard le sacerdoce de l’instituteur ! … »

Bannir les vieilles habitudes
S’il est heureux de voir l’année scolaire 2019-2020 sauvée après des mois de fermeture à cause de la crise du COVID-19 et la longue grève des enseignants, il n’est de gaité de cœur pour personne de revoir son enfant à sa porte tous les jours en train de prendre du thé après avoir décroché de grands diplômes. Malheureusement, c’est ce qui arrive aux parents en majorité, qui se plaignent du chômage de leurs enfants. En cause ? Les faux diplômes, les examens truqués, comme ce à quoi l’on a assisté cette semaine lors du DEF, plus que la corruption, le copinage (ma famille d’abord). D’ailleurs, c’est ces examens bâclés et la grande impunité qui accompagnent ces genres de pratiques qui participent à l’exacerbation de la corruption et à la tentation du gain facile dans notre pays. Toute chose que le Président de la transition s’est engagé à combattre de toutes ses forces. « Je ne peux pas promettre zéro corruption, mais je ferai tout pour que l’impunité zéro soit la norme », a dit le colonel-major dans son discours d’investiture au CICB.
Pour éviter donc la réédition du scénario du DEF, lors des épreuves du BAC qui démarrent ce 19 octobre, les autorités, à commencer par le centre des examens, la commission restreinte d’organisation, doivent se montrer à la hauteur de la confiance placée en eux ; faire preuve de responsabilité, de fermeté vis-à-vis de certaines pratiques indignes qui n’honorent guère notre pays. Pour le Mali Kura dont rêvent tous les Maliens, l’on doit apprendre à nos enfants à se défendre seul, réussir dans la dignité pour être fiers d’eux-mêmes. Ce comportement qui caractérisait le Malien d’antan s’apprend à domicile et à l’école.

PAR SIDI DAO

Info-Matin

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